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Nucléaire : « EDF, comme Sisyphe, semble voué à recommencer éternellement sa tâche »

Il faut imaginer Sisyphe heureux, disait Albert Camus. Voir dans l’absurdité du travail incessant de cet homme, condamné à remonter la pierre en haut de la montagne, une métaphore de la vie elle-même, de sa futilité et de sa grandeur par l’acceptation de son sort. EDF, comme Sisyphe, semble également voué à recommencer éternellement sa tâche. Le chantier de la centrale de Flamanville (Manche) est en voie d’achèvement, la relance du programme nucléaire français est actée, l’Europe elle-même en accepte l’idée, mais voilà que tout est à recommencer.
Le cauchemar vient cette fois d’Angleterre, sur les côtes du Somerset (sud-ouest). Le chantier de la centrale EPR d’Hinkley Point n’en finit pas de délivrer ses mauvaises nouvelles. Comme pour Flamanville, les déboires techniques, économiques, financiers et politiques s’accumulent. Le contrat signé en 2016 pour un coût de 18 milliards de livres (près de 21 milliards d’euros), montant record à l’époque, qui avait provoqué la démission du directeur financier d’EDF, devrait s’achever autour de 40 milliards de livres pour les deux réacteurs. Un montant inédit, même dans ce secteur. A titre de comparaison, EDF promet de construire six EPR en France pour la même somme (45 milliards d’euros). Bien sûr, la crise sanitaire, l’inflation et les batailles juridiques sont passées par là, mais comment croire encore à des estimations si fantaisistes ?
Comme un malheur n’arrive jamais seul, le partenaire financier d’EDF dans cette affaire, son homologue chinois CGN, en froid avec Londres, a décidé de ne plus payer les surcoûts du chantier. Au lieu de prendre en charge 66,5 % des frais, EDF doit désormais s’acquitter de 100 % de la facture. Intenable pour l’une des entreprises les plus endettées de France. Alors la société appelle à l’aide le gouvernement britannique, responsable de la brouille avec Pékin. Mais celui-ci ne veut rien entendre. Il s’agit d’un contrat privé, à EDF de trouver de nouveaux investisseurs. Manifestement, ils ne se bousculent pas au portillon. De plus, le surcoût actuel obère l’avenir de la rentabilité du site, qui repose sur un prix déjà négocié de vente de l’électricité.
Passé cet obstacle gigantesque, un autre se profile déjà, avec l’autre grand projet britannique dans le nucléaire : la centrale de Sizewell (Suffolk, sud-est), encore au stade des études. Le même CGN chinois en a été sorti par Londres, au nom de la sécurité nationale. Cette fois, l’Etat est le principal actionnaire et donc bailleur du projet au côté d’EDF, qui tente de minimiser sa participation.
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